Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Déferlantes et Ecumoire
10 mars 2010

A propos de La rafle

La rafle

 

Ce dix mars, un drame a été donné à voir sur nos écrans, la rafle du Vel d’hiv du 16 juillet 1942. Le film de Roselyne Bosch est comme une déferlante quand souffle la tempête sur la mémoire endormie, à l’égal de ce que fut le discours de Jacques Chirac qui eut , lui, le courage que la Gauche n’eut pas, quand il reconnut que le crime du régime de Vichy était à inscrire au passif de la France. Certains disent que ce film est  critiquable et s'arrêtent à des détails. Mais ce film avait besoin d'exister. Ou plutôt, nous avions besoin qu'il existe. Une rafle préméditée au plus haut niveau par des nazis allemands et français qui, ensemble, ont pensé, coordonné l’action et distribué les rôles. Une rafle à laquelle j'ai échappé et qui, parce que j'ai survécu, me hante. Des nazis qui ont fait en sorte, ces lâches qui s'en prenaient essentiellement aux femmes et aux enfants, que seuls n'apparaissent et n'en subissent plus tard  l'opprobre, la police française - flics en pèlerine et képi - et les conducteurs de bus parisiens. Ils se sont servi, pour cette sale besogne, du fichier de l’U.G.I.F. (l'Union générale des israélites de France) créée tout exprès par les hommes de Vichy, après qu’ils  aient  rendues illégales toutes les associations sportives, culturelles ou autres pourvu qu’elles fussent juives. Un fichier sur lequel étaient obligatoirement fichés tous les juifs. Un fichier ethnique, créé par des hommes employant des arguments franchouillards et racistes, comme le serait aujourd'hui un fichier de l’identité nationale en quelque sorte. Une nouveauté, aussi, le dernier fichier de ce genre datant de 1874.

Je ne veux pas raconter cette horrible affaire, la superbe émission du 9 de Marie Drucker sur la deuxième chaîne l’a fait, avec des témoins , des témoins parmi les derniers qui ne désarment pas et qui rendent hommage aux victimes en allant porter la parole dans les écoles.

Au départ, c’était les seuls Juifs étrangers qui étaient visés. Bon prétexte xénophobe bien connu qui divise les victimes et arme les bourreaux. Ces derniers avaient prévu d’en arrêter 22 000.Mais, oh surprise, des policiers manquèrent de zèle. Pas tous et pas bien nombreux, certes, mais ils sont l’honneur de la police française. Des machinistes dans les dépôts de la RATP se firent porter pâles. Pas tous et pas bien nombreux, certes, mais ils sont l'honneur des services publics de la France. La Résistance joua son rôle et réussit à avertir bon nombre des victimes désignées, souvent les hommes. Alors, comme il fallait respecter les quotas – moins on respecte les humains et plus on respecte les quotas, l’aviez-vous remarqué ? - les criminels firent arrêter, aussi des Juifs français. Malgré tout, ce furent  - peut-on dire ce ne furent? - 13 000 juifs, Français et Étrangers, qui furent arrêtés, et non pas 22 000 :  4 000 enfants, près de 6 000 femmes et 3 000 hommes, qui passèrent cinq jours sans manger ni boire – sauf l’acte courageux des pompiers qui ouvrirent leur lance à incendie, un acte de désobéissance ! Et puis ce furent les camps de transit, avant la déportation vers un enfer dont on ne revient pas.

Connaissez-vous mon ami Pierre Guéguen ? Il faut que je vous le présente. Pierre à plus de 80 ans aujourd’hui, il en avait 15 en 1942. So père était Chef de dépôt des bus parisiens. Connaissant mon passé d’enfant caché, et donc sachant à quoi j'avais échappé, voici ce qu’il m’écrit :

 

Cher Maurice,

LA RAFLE, ce film sort prochainement sur la grande rafle du 16 juillet 1942, mon Père était chef de dépôt d’autobus et nous étions logés dans le dépôt qui employait 800 personnes environ donc beaucoup d’autobus. Je me souviens très bien de ce jour là, en venant déjeuner le midi mon père nous a dit : « il se passe des choses graves au Vel d’Hiv, les femmes sont séparées de leurs maris, les mères de leurs enfants, les machinistes ne veulent plus y retourner. »

J’ai eu toujours cette scène en tête, même aujourd’hui je revois encore la cuisine où nous mangions (un bien grand mot à cette époque !) quand j’ai su ce que cela représentait, je me suis interrogé sur les mystères de la communication induite ; comment avais-je perçu la gravité énorme de l’information. ?

A la fin de la guerre, j’ai reparlé à mon père de cet épisode, c’est seulement à ce moment là qu’il m’a expliqué qu’une telle opération nécessitait une préparation logistique importante: réservation du matériel, dégagement du nombre suffisant de machinistes (conducteur d’autobus), prévision de pannes éventuelles, de remplacement de machinistes malades, etc., plusieurs semaines à l’avance, donc une masse de personnes informées à l’avance que quelque chose de gros allait se passer, qu’une grande rafle allait avoir lieu dont la date était connue. Mon père comme beaucoup d’autres y compris dans la Police fit passer l’information dans les circuits appropriés et j’ai entendu que 10.000 personnes figurant sur des listes ne furent pas attrapées.

Mon père fut élu, aux premières élections, conseiller municipal communiste de La Garenne-Colombes et termina sa carrière Secrétaire Général de la Fédération des Ingénieurs et Cadres des Transports CGT.

Personne ne soupçonnait l’horreur du crime au moment de la rafle mais quelques histoires particulières, qui m’ont été relatées indiquent que certains responsables communautariste n’ont pas perçu la véritable dangerosité de ce qui se préparait.

 Bien amicalement.

 

Et Pierre d’ajouter : « Plusieurs machinistes sont immédiatement rentrés dans leur province pour la durée de l’occupation afin de ne plus jamais être confrontés à de telles actions inhumaines. Les cadres collabos, licenciés à la libération furent réintégrés quelques années plus tard mais avec le grade le plus élevé atteint par un collègue non licencié occupant le même grade au moment du licenciement sanction. Ainsi des petits cadres collabos dont la formation ne leur permettait d’avoir qu’une évolution de carrière ‘’limitée’’ ont atteint des niveaux supérieurs à tous leurs espoirs. Méthode Mandela qui n’avait aucune utilité à ce moment là en France ».


Je voudrais ajouter ceci, d'autres chiffres. Il y avait 300 000 juifs en France à ce moment-là. 73 000 ont été déportés et bien peu sont revenus. Il y en eut donc 230 000 qui furent sauvés par les Français, par la France. Je suis de ceux-là . Certes il y avait des antisémites en France, mais la France n'était pas antisémite. Il y a des racistes en France, mais la France n'est pas raciste et , pour cela, je dis merci à mon pays.

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
V
Bonsoir Maurice,<br /> Je suis allée voir le film "la rafle". Inutile de te dire comment j'étais<br /> pendant la projection et en sortant.<br /> C'est un très bon film (que l'on ne doit pas critiquer, c'est trop facile)<br /> qui figure parmi les plus vus actuellement et c'est tant mieux .Il fallait<br /> le faire pour clouer le bec à tous ces pourris de négationnistes.<br /> Comme tu le dis sur ton blog "ça réveille la mémoire qui a tendance à<br /> s'endormir", les gens ont une mémoire sélective et ils oublient vite le<br /> passé. <br /> Espérons que la nouvelle génération ira le voir.<br /> Quant au racisme français, il existe malheureusement encore, il ne faut pas<br /> seulement regarder les grandes villes de France, mais aller dans la France<br /> "dite" profonde. J'ai habité Chalon S/Saône et je peux te dire que les mots<br /> "youpins, bougnoules et nègres"<br /> Je les ai souvent entendus.<br /> Ne pouvant rester insensible à toutes formes de racisme, je les ai remis en<br /> place. Certains m 'ont répondu "C'est notre façon de parler" nous ne sommes<br /> pas RACISTES !...............<br /> Je t'embrasse et t'envoie mes amitiés.
A
Je suis allé, j'ai lu, je suis d'accord.<br /> Trop de gens actuellement répandent des propos malveillants envers les conducteurs de ces bus mais surtout envers des conducteurs de trains.<br /> « Ils devaient refuser de conduire les trains, sachant ce qu'il y avait dans les wagons » entend-on souvent.<br /> Comme si :<br /> 1- c'était facile pour un subalterne de désobéir à son (ses) chef. Nous étions bien avant 1968. La culture des rapports entre la hiérarchie et les subalternes étaient bien plus serrée qu'aujourd'hui.<br /> 2- Certains conducteurs (chauffeur et mécaniciens) ne raccordaient leur machine que lorsque le train était chargé. De victimes ou de marchandises, ils l'ignoraient. Ce n'est qu'en chemin, lors du premier arrêt qu'ils apprenaient ce que contenaient les wagons. Ceux-ci étaient gardés par des gendarmes français doublés par des soldats allemands.<br /> Les conducteurs auraient pu refuser de poursuivre le chemin. Qu'aurions-nous fait ?<br /> 3- Certains agents de la SNCF ont refusé de participer à ces transports. Certains ont été licenciés, mais d'autres ont été, eux-mêmes déportés.<br /> Aurions-nous pris de tels risques ?<br /> Le nombre des déportés pour faits politiques est plus important que le nombre des Juifs. Plus de 80 000. Certes, ils n'ont pas subit tout à fait les mêmes traitements. Ils n'ont pas connu la sélection. Ils sont revenus bien plus nombreux. Mais cette déportation est souvent peu citée.<br /> <br /> Juger des événement et des comportements de personnes dans un contexte qui n'est plus le même, c'est assez fréquent. Je trouve que cela manque totalement de compréhension. Et généralement, les juges d'aujourd'hui ne se posent jamais vraiment la question : qu'aurai-je fait ?<br /> <br /> Le film apporte une information aux jeunes génération parce que c'est un film de fiction et pas un reportage. Il joue probablement un rôle assez semblable à celui que joua le feuilleton américain « Holocauste ».<br /> Cela dit, ce sujet a été traité depuis pas mal d'année par la télévision française quand celle-ci était un média informateur et formateur.<br /> Ainsi Philippe Alfonsi fit une émission : « La rafle du Vel d'Hiv » dans le cadre de ses séries : « Histoire d'un jour ».<br /> Jean-Marie Cavada dans ses émissions « La marche du siècle » consacra une émission sur la rafle du Vel d'Hiv. <br /> Plus récemment (environ trois ans, Gilles Nadeau réalisa un film documentaire : La rafle du Vel d'Hiv.<br /> Des films comme « Les guichets du Louvre » de Michel Mitrani évoqua cette rafle. L'histoire du film se déroule ce jour là.<br /> Dans « Monsieur Klein » de Joseph Losey, la rafle est évoquée, mais là, sans dire que quoi il s'agit.<br /> <br /> Il y a sûrement d'autres documents, que je ne connais pas.<br /> <br /> Donc, le film de Rose Bosch étant traité en docu-fiction est le bienvenu.<br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> marcel et ida
S
c'est gentil Maurice mais dans la rafle j'y étais avec ma Mère, alors, je connais bien
R
suis d accord cher maurice c est grace a des religieuses a des habitants de nice (moi aussi enfant cache) que je suis la aujourdh.hui
C
Merci à toi, Maurice, de cette conclusion - c'est bien ce message qui doit être diffusé pour mettre fin aux dérives dues à toutes les formes de racisme.
Déferlantes et Ecumoire
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité